Visite de l'exposition Peinture des Lointains
Ce sont les Derniers Jours pour découvrir l’exposition Peintures des Lointains au Musée du Quai Branly à Paris. L’exposition, à l’affiche jusqu’au 3 Février, présente 130 œuvres réalisées du XVIIIe siècle au début du XXe. Elle porte un regard en évolution sur l’Ailleurs, entre curiosité, fascination et propagande, où le colonialisme côtoie les Lumières. Elle fait partie du Top 10 des expositions à voir actuellement à Paris selon le site Culturez-vous. Je m’y suis rendu il y a quelques jours.
Une exposition de peintures ? Sur ton blog voyages ? Mais que fais-tu Raphaël ?
Ne vous inquiétez pas pour moi, je n’ai ni perdu la boule, ni changé de vie. Je l’affirme à qui veut bien l’entendre : Peinture des lointains est en plein dans le mille du sujet de ce blog.
- L’exposition est un regard porté sur l’autre et l’Ailleurs… C’est déjà une invitation au voyage.
- Ses œuvres ont pour cadre Madagascar, la Polynésie, les plaines de l’Iowa, l’île de la Réunion, l’Egypte ou l’Algérie parmi d’autres destinations lointaines.
- Tout son imaginaire appelle à une définition du voyage. On y parle d’exotisme, d’altérité, de lumières, de désert, de l’île comme utopie, d’Orient et d’Occident.
Avec cette exposition, je vous invite à voyager sans billet d’avion, avec un simple ticket de métro. C’est une de mes résolutions en 2019 : voyager toute l’année, jusque dans mon quotidien. Et au quotidien, c’est à Paris que je vis.

La séduction des lointains
L’exposition débute sur ce thème : « La séduction des lointains » ou la promesse heureuse de rompre avec le quotidien. Derrière cette idée se cache le goût universel pour la différence et l’exotisme, sensible encore aujourd’hui dans nos quêtes d’Ailleurs. La terre étrangère qui en découle est un monde idéalisé, un atelier des curiosités. On le dépeint plus époustouflant encore qu’il n’est déjà. La lumière y est enrichie de couleurs chaudes et ambrées, bientôt percée d’un blanc éclatant. L’œuvre est retouchée, magnifiée pour donner plus de force encore à ces paysages ou ces scènes de vie. Que celui qui n’a jamais boosté la teinte orange sur un coucher de soleil leur jette la première pierre ?

Ce qui en naît est un fantasme, l’image d’Epinal d’un Orient que les épopées de Napoléon 1er ont rendu si populaire. On rêve d’une oasis dans le désert, on s’extasie devant le pittoresque des marchés à ciel ouvert. Tout enchante le voyageur occidental qui pose un regard bienveillant mais forcément déformé par ses attentes ou celles plus précises encore du monde occidental pour lequel il témoigne.
L’attrait pour l’exotisme, nourri par l’héritage des Lumières, inspire à certains l’envie de renouer avec un mode de vie plus simple, celui des cultures dites « originelles ». Dans l’Océan Pacifique germe la possibilité d’une île, la quête du paradis. Paul Gauguin, à la recherche de beauté primitive, finira sa vie en « sauvage » en Polynésie.

Des destins individuels écornent un peu plus la supériorité affirmée du monde occidental. L’étranger n’est plus toujours une terre à civiliser. Certains partent s’y installer et projettent alors l’idée une hiérarchie inversée. Dans une lettre à sa mère écrite au Caire, Emile Bernard lui dit :
« C’est l’allure libre de l’homme et de la femme loin d’une civilisation contrefaite, hypocrite, gâtée sous tous les rapports et où tous les rapports sont impossibles ; c’est à cette allure seule que l’on peut se régénérer. »
Galerie de portraits : l’altérité plurielle
La deuxième partie de l’exposition met à mal la vision stéréotypée de l’époque au profit d’une altérité qui s’exprime au pluriel. Dans une galerie de portraits fascinante, les artistes représentent des hommes et des femmes aux cultures diverses avec la plus grande finesse. C’est pour moi la partie la plus intéressante de l’exposition.

Dans la deuxième moitié du XIXe siècle, le regard se veut plus réaliste et la découverte du monde s’organise. On s’intéresse aux cultures et à l’étude des civilisations. La Société des Peintres Orientalistes français, créée notamment par Eugène Leroy, veut faire connaître les cultures orientales. Elle lance une bourse de voyage qui permettra à de nombreux artistes de parcourir le monde. Moralité : mieux vaut être artiste que blogueur pour voyager aux frais de la princesse.

L’empreinte coloniale
Je commençais tout juste à idéaliser cette période ouverte et voyageuse que l’exposition me ramène à la triste réalité, celle des colonies, celle d’un rapport de domination où la liberté n’est que d’un côté du monde. L’idylle s’achève, l’heure des grands travaux a sonné, dans l’affrontement et la violence s’il le faut. L’art se fait acteur de la propagande, glorifie le rôle salvateur du colonisateur, rabaisse le colonisé à une masse « indigène ». Cette dernière partie toute entière fait froid dans le dos.

Mes impressions : Peintures des lointains
- J’ai été séduit : la galerie de portraits est pour moi le temps fort de l’exposition.
- J’ai été interpellé : la quête de l’exotisme s’exprime en des termes similaires au XVIIIe et en 2019.
- J’ai été inspiré : En dépit du contexte colonial, bienveillance et considération ne sont pas étrangères à tous les individus.
Au final, j’ai beaucoup aimé cette exposition. Les œuvres sont bien mises en valeur par un parcours riches en éléments de contexte. Les nombreux panneaux explicatifs aident à saisir les enjeux de l’époque et les attentes des artistes sur cet Ailleurs qu’ils découvrent. Bref, allez-y, mais dépêchez-vous, l’exposition ferme le 3 Février !

Peintures des lointains : L’essentiel
- L’exposition est à l’affiche du Musée du Quai Branly-Jacques Chirac jusqu’au 3 Février
- L’entrée coûte 10 € et donne également accès aux collections permanentes du musée
- Deux autres expositions en cours : Le bateau-atelier de Titouan Lamazou et Fendre l’Air, l’art du bambou au Japon
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